Flashs

Mi-fiction, mi-poésie—300 signes, espaces compris.


  • Vivons cachés

    Au bord du lac, dans les rochers, nichait un parapluie. Envolé un jour venteux ou égaré par un enfant rêveur, les passants ignoraient son histoire. À l’abri des regards, sous sa toile bleue et noire, vivait une famille de canards.

  • Au delà du monstre

    Un petit diable habitait un grand manoir vide. Il aimait tout le monde—animaux et humains—mais il en était craint. Un jour chez les voisins, on entendit crier, puis vit de la fumée. Les pompiers tardaient et tout semblait perdu, mais soudain émergea des flammes le diable—et saine et sauve—une femme.

  • Claustrophobe

    Elle aimait beaucoup sa vie, mais tout semblait si—petit. Son studio, son labo, sa blouse, son couple, tout était bien rangé et un poil limité. Chaque jour, son envie grandissait. Ces pensées prenaient toujours plus de place dans sa tête. Elle avait besoin d’espace, alors elle devint astronaute.

  • Le réveil du rêveur

    On disait de lui qu’il était paresseux—le cul vissé dans son canapé et trop flemmard pour regarder la télé. Amis, famille, quidams, personne ne faisait plus attention à lui. Un jour pourtant, il se leva—surprit tout le monde et commença à travailler d’arrache-pied. C’était le jour des contraires.

  • Justifié

    Il est mort, je crois. Mon dieu qu’ai-je fait ?! C’était si rapide, si—simple. Je voulais juste qu’il se calme, qu’il m’écoute. Je n’avais pas le choix, je devais me défendre. Il allait me faire du mal, c’est sûr—à moi et sûrement à d’autres. J’ai fait le bon choix, la seule chose à faire.

  • Beauté nocturne

    Vaste et brillant comme l’océan au clair de lune, on n’avait jamais vu pareil sourire. Blanche comme neige et plus charmante qu’une sirène, c’était une ingénue bourreau des cœurs. Ses conquêtes, si différentes, avaient pourtant toutes en commun—deux marques rondes sur le cou et une insatiable faim.

  • La soupe

    Mardi, 18h10, l’heure de la soupe. Le même bol bleu, le même parfum—la même chaise, le même pain. Finalement à court de bouillon, il se rend au magasin habituel, mais n’en trouve pas dans les rayons. Depuis ce jour, on dit qu’une âme en peine hante ces couloirs, désespérée—le mardi soir.

  • Le cycle éternel

    Naissance du printemps, les plantes poussent à vue d’œil—de manèges en ménage, l’été est agité—les premières feuilles tombent, viennent les vendanges d’automne—le paysage blanchi, l’hiver, le froid, la nuit.

  • Petit îlot

    Quelque part au milieu des flots, un banc de pierre trône—un couple y est assis, côte à côte, dos à dos. Leurs conversations se perdent dans le vent et leurs larmes coulent au fond de l’eau. Ce banc est un bon thérapeute et le couple repart, main dans la main lorsque tombe le soir.

  • Calliope III

    Un bateau quitte le port—une femme, un enfant, deux personnes à bord. L’enfant sourit, joue avec le bastingage malgré les remontrances de sa mère. — “L’eau c’est dangereux, tu sais ? Si tu tombes, tu te noies.” L’enfant se calme et s’assoit—à côté de lui une urne, un mot, Papa.