Entre son reflet et lui

Assis à côté de moi, il se tourne les pouces. Le train n’est pas bondé—il a choisi sa place. Prise entre la fenêtre et son épaisse doudoune, je peux à peine bouger. Mon sac est lourd, allongé sur mes cuisses. Encore plus à l’étroit que tout ce qu’il contient, je me démène pour en sortir un livre—épais roman de fantasy aux couleurs chatoyantes, sa présence me rassure. Les mots m’invitent dans leur univers, mais en vain. L’homme est toujours là, étalé contre moi. Ses mains inondent le coin de mon regard. Ses pouces, dans leur valse incessante, dérobent le fil de mon attention. Je rêve de m’en aller, de lui tourner le dos. Je cherche à m’évader dans le décor qui défile, mais son reflet animé me poursuit sur la vitre. Condamnée à rester là—vissée sur un siège qui ne m’appartient plus—je prie le train d’accélérer sa course.


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