• Ma voyageuse temporelle

    Elle se tenait là, devant moi, flottant dans sa grande veste jaune au capuchon noir. Elle se tenait là, debout dans ce bus où personne ne se parle—ballottée par les virages serrés, mais refusant de s’asseoir. Elle se tenait là, cheveux bouclés et tenue démodée—ma voyageuse temporelle.

  • Entre son reflet et lui

    Assis à côté de moi, il se tourne les pouces. Le train n’est pas bondé—il a choisi sa place. Prise entre la fenêtre et son épaisse doudoune, je peux à peine bouger. Mon sac est lourd, allongé sur mes cuisses. Encore plus à l’étroit que tout ce qu’il contient, je me démène pour en sortir…

  • Partenaires de vie

    Le cerveau et le cœur forment un couple étrange—l’un ne va pas sans l’autre, mais souvent ils s’opposent. Il faut économiser, mais être généreux—aimer avec passion, mais aussi modération. Une vie sans émotion n’a pas de sens, mais perdre la raison c’est se priver du bon.

  • Mémorables moments

    C’était une échoppe pas comme les autres. Petite bâtisse d’une ville on ne peut plus touristique, ses articles—d’une valeur inestimable, mais à prix abordable—étaient réputés impossibles à voler. À l’entrée du magasin, une modeste enseigne indiquait simplement : “Boutique de souvenirs”.

  • Cold in July

    Une femme vêtue de blanc est assise à une table, un stylo à la main. Souriante, concentrée, elle remplit page après page d’un petit carnet usé. Ces notes sont des plus précieuses, le compte-rendu d’une expérience unique sobrement intitulé : “Journal intime – Ma vie en Arctique”.

  • La jeune fille du pont

    Debout sur ce pont tous les soirs, elle attendait que le soleil se couche, puis disparaissait à son tour. Parfois, des passants s’arrêtaient—avait-elle besoin d’aide ? Par un poli sourire muet, toujours, elle déclinait. Ils s’en allaient alors et elle demeurait seule, à regarder les voitures passer.

  • Tête en l’air

    Tous ces moutons qui se baladent, si rapides et pourtant immobiles. Tous ces nuages qui me survolent, je ne vois qu’eux, mais eux m’ignorent. Ils vont là-bas, je reste ici—nous partageons la même Terre et je sais que le jour où tombera la nuit, je rejoindrai leur valse dans les étoiles.

  • La robe de Marie

    Au bord du fleuve vivait un couturier. Il testait toutes ses créations, vêtements pour filles, comme pour garçons. Un jour qu’il avait de l’avance—ses commandes finies avant que ne sonne midi—il se mit à coudre, presque machinalement. De son travail naquit une robe si belle qu’il la garda pour lui.

  • Je marche seule

    J’arpente une route où l’on ne croise personne. Je cherche mes rêves dans le désert, chasse les mirages de cette fade immensité. J’ai perdu le compte des jours et le vent balaie mes traces—je tourne peut-être en rond, mais si quelqu’un me suit, je finirai bien par les rattraper.

  • Nid douillet

    Ce pont, c’était le leur—bec et ongles ils le défendaient. Chasseurs aguerris à l’élégant col vert, leur voler dans les plumes n’était pas mince affaire. Ils tinrent bon tout le jour, vainquirent vents et marées, mais le soir débarquèrent les Hommes et de chez eux ils furent chassés.